Paris, avril 2006

Evelyne Sullerot : nouvelle marraine de SOS PAPA

Née le 10 octobre 1924 à Montrouge (Seine) et décédée le 31 mars 2017 à Paris,
est une sociologue et militante féministe française


Philosophe, sociologue, romancière, féministe, mère de famille.
Commandeur de l'Ordre de la légion d'honneur et commandeur de l'Ordre national du Mérite.
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Avant de s'intéresser à la situation des pères, Evelyne Sullerot s'est d'abord longtemps battue pour le droit des femmes. Elle a réalisé de nombreuses études et publié d'importants ouvrages sur les femmes.
Elle a assumé ou assume de très nombreuses responsabiltés, notamment :
Co-fondatrice du Planning familial (1955)
Membre correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques
Membre honoraire du Conseil économique et social
Vice-présidente des Associations familiales protestantes
Vice-présidente de la Fédération nationale des associations de prévention de la toxicomanie
Auteur de nombreux rapports officiels très importants comme expert et d'une vingtaine d'ouvrages
dont récemment :
- Quels pères ? quels fils ? (Le livre de poche, 1995)
- Pour le meilleur et sans le pire (Fayard, 1984, couronné par l'Académie française)
- La crise de la famille (Fayard, collection Pluriel Hachette n° 988, 1997, 2000)
- Pilule, sexe, ADN, trois révolutions qui ont bouleversé la famille (Fayard, 2006)

Evelyne Sullerot est membre du Comité d'honneur de SOS PAPA depuis sa formation

 

Déclaration de Evelyne SULLEROT à SOS PAPA

Voilà que SOS Papa change de registre et agrandit son avenir. L'association est toujours au service des enfants et du respect de la fonction paternelle ; mais, en entrant dans l'UNAF comme organisation famiiale représentative, elle va participer un peu à l'élaboration de la politique familiale, et elle va veiller à la juste application du principe de coparentalité, nouvellement reconnu. En effet, ce qui change également les horizons et les actions de SOS Papa, ce sont ces lois récentes dont je retrace la genèse dans mon dernier livre "Pilule, Sexe, ADN, trois révolutions qui ont bouleversé la famille (Fayard, 2006).

Il s'agit, d'une part, de la loi du 4 mars 2002 qui pose le principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale par les deux parents, que ceux-ci soient mariés, pacsés, simples partenaires, ou séparés, ou divorcés. C'est une véritable révolution qui prend en compte l'existence et la réalité durable du couple parental, quels que soient les avatars du couple conjugal que forment les parents de l'enfant. Cette loi rompt avec l'habitude prise par les juges, après la loi de 1975 sur le divorce, de fabriquer, après les divorces et séparations, des petites familles tronquées dites "monoparentales", réunissant presque toujours les enfants et la mère, - le père devenant un parent de second ordre sans vraie responsabilité éducative, "condamné" à pension, même s'il n'a aucun tort, obligé de mutiler son amour paternel alors que le nouveau compagnon de la mère prend sa place.

D'autre part, le 1er Juillet 2006 va s'appliquer l'ordonnance du 4 Juillet 2005 sur la filiation : à partir de cette date, la famille ne sera plus fondée sur le mariage comme elle le fut depuis le Code civil de 1804, mais sur le lien père/enfant et le lien mère/enfant, chacun établi séparément à la naissance de l'enfant. Après des années de familles "matricentrées", voilà que l'on rééquilibre les rôles parentaux. Le père pourra même reconnaître son enfant par anticipation, s'il craint que la mère ne le lui dérobe en accouchant sous X, - ainsi que vient de le reconnaître la Cour de Cassation. La révolution génétique connaît là ses premiers effets, et ce n'est pas fini. On cherchera toujours plus à faire coïncider la filiation juridique avec la filiation biologique. C'est, pour le père, une nouvelle ère qui commence, - celle de la vérité, du partage équitable et de la responsabilité.

Donc, SOS Papa va aider les pères à gérer leur responsabilité privée, et aider l'Etat à gérer les aides et soutiens aux familles, responsabilité publique de première importance. Je serai heureuse et fière d'être à vos côtés dans cette nouvelle phase de votre vie associative, comme je l'ai été dans le passé, qui fut bien différent.

Car, grâce à l'ADN, la révolution génétique, que personne n'attendait, va, petit à petit, parvenir à redresser les lourds déséquilibres entre mère et père qu'avait introduits la révolution contraceptive, - ce torrent qui a succédé à la découverte de la pilule. Attendue, désirée, portée par les femmes, la contraception, à partir de 1965, leur donne enfin le pouvoir de maîtriser leur fécondité. Comment ne pas s'en réjouir pour elles, alors que tant d'hommes se sont montrés depuis si longtemps tellement irresponsables envers elles ? Dans les couples, rapidement, elles deviennent les décideuses des grossesses et des naissances ; plus nettement encore après que le droit leur fût reconnu d'avorter sans l'autorisation du père de l'embryon. Elles continuent d'assumer le premier rôle dans l'éducation des enfants, tout en assurant leur autonomie par le travail. Dans le domaine de la famille, que tous concèdent aux femmes, le féminisme devient l'attitude à la mode dans les médias, pour les psys, et pour les juges. D'où quinze années de "Garde à la mère!" et d'éclipse de la paternité. Or, sur les talons de la révolution contraceptive, les hommes ont cru pouvoir lancer, orchestrer, commercialiser une révolution sexuelle. Celle-ci, envahissante, entêtante, n'a pas rendu aux hommes leur dignité de pères, mais a fragilisé les couples ; aussi, de 1975 à 2005, on voit augmenter sans cesse les séparations et divorces, dont une forte proportion (65%) avec enfants. Tout au long de la révolution sexuelle, les enfants vont être confiés aux mères, dans un climat très spécial : minimisation des effets sur les enfants de la séparation de leurs parents, victimisation des "familles monoparentales", criminalisation accrue des "agressions sexuelles", ignorance des souffrances des pères. Quand j'ai publié en 1992 Quels pères ? Quels fils ?, premier livre sur la crise de la paternité, j'ai reçu des centaines de lettres de pères séparés de leurs enfants, j'ai été traitée de "traitresse" par les féministes, et Michel Thizon, alors président de SOS Papa, m'a demandé mon patronage. Par la suite, j'ai été de meetings en colloques, de diners-débats en émissions diverses. Les sociologues, les juristes, les militants familiaux, les travailleurs sociaux qui connaissaient de longue date mes travaux et mes actions en faveur des femmes ne comprenaient pas ce que je faisais aux côtés de ces pères rebelles, "tous des brindezingues", me fut-il dit, des machistes, des mauvais payeurs... Pourtant, depuis le temps du Planning, je n'avais pas changé, pas cessé de poursuivre le même but : défendre le trio père/mère/enfant(s), promouvoir la coparentalité même après les divorces, assurer le plein exercice de la double parentalité dans l'intérêt des enfants. Penser d'abord aux enfants, et aux conditions nécessaires à la cohésion sociale et à la transmission des valeurs. C'est cette histoire, sous tous ses aspects, que je retrace dans Pilule, Sexe, ADN, trois révolutions qui ont bouleversé la famille. Désormais, les choses ayant changé, l'ADN confirmant l'importance de la paternité biologique, et, partant, confortant le référent paternel, - SOS Papa n'aura plus besoin, ou beaucoup moins, d'être une association de révoltés révélant les injustices, et jouera de plus en plus le rôle constructif et fécond d'une association exemplaire revendiquant la responsabilité parentale dans l'intérêt de tous. Ce sera un honneur pour moi de rester à vos côtés.

 

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